À une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit! — Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?
Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
— Charles Baudelaire
Thomas Baas sur son dessin après le poème "À une passante" de Charles Baudelaire:
C’est un instant, un moment aussi fugace qu’intense. Chaque vers résonne comme le pas de la passante. À peine le poème est lu, la femme à déjà disparue. Capter l’instantané, figer la puissance des impressions—cette entreprise admirablement mise en œuvre par Baudelaie est celle, souvent, de nombreux artistes; que ce soit en dessin, photo, musique. Saisir l’impalpable et l’éphémère est de l’offrir à une contemplation éternelle. (1)
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Thomas Baas intègre la section illustration de l’École supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg en 1994. Diplômé en 2000, il travaille pour l’édition et la presse jeunesse. Il a publié chez de nombreux éditeurs, comme Actes Sud Junior ou Flammarion, et travaille aussi régulièrement comme affichiste (Rock en Seine, RATP, etc.). (2)
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Traduit du français par Carrie Chappell/ Translated from French to English by Carrie Chappell
(1) This is an instant, a moment as fleeting as it is intense. Each verse resonates like the step of the passerby. No sooner is the poem read than the woman has already vanished. To capture the instantaneous, to transfix the power of impressions—this undertaking admirably put into practice by Baudelaire is often the venture of many artists ; be it in drawing, photography, music. To grasp the impalpable and the ephemeral is to offer it to eternal contemplation.
(2) Thomas Baas was accepted into the illustration program of the Ecole Supérieure des Arts Décoratifs in Strasbourg in 1994. He graduated in 2000 and works for children and young adult publishing houses. He has illustrated with numerous publishers, such as Actes Sud Junior or Flammarion, and also works regularly as a poster artist (Rock en Seine, RATP, etc.).